Votre association, le Volksbund, est intimement liée à l’histoire européenne ?
Le Volksbund a été fondé en 1919 par des vétérans et des familles de disparus de la Première Guerre mondiale. Sa mission : construire et entretenir les cimetières militaires allemands issus des deux conflits mondiaux et en faire des espaces pérennes de mémoire et d’apprentissage de l’histoire. Au-delà d’être des lieux de deuil, les cimetières militaires remplissent des fonctions mémorielle et pédagogique. Depuis les années cinquante, le Volksbund organise des chantiers de jeunes et des séjours scolaires pour l’entretien des cimetières et leur exploitation pédagogique, dans le but d’ancrer la volonté de paix dans la société civile, en confrontant les jeunes à ce que ces lieux racontent du passé. Au fur et à mesure que le travail de réconciliation avance entre pays, les chantiers s’internationalisent. Les partenaires œuvrent ensemble pour une prise de conscience des différences de politique mémorielle selon les pays, des positionnements variés vis-à-vis de l’héritage commun européen, et du fait que l’on peut malgré tout aller vers un avenir de paix.
L’éducation à la paix doit-elle passer par un devoir de mémoire ?
Je me sens un peu gênée par l’expression « éducation à la paix ». Je travaille davantage pour une éducation à la réflexion sur les phénomènes de guerre et de paix. Il faut avant tout comprendre l’histoire, pouvoir avoir du recul sur la situation. La médiation du patrimoine historique, le travail sur la mémoire donnent des repères. C’est en réfléchissant à ce qui est comparable ou non à travers les époques que l’on peut se forger des convictions, faire le meilleur usage possible de son libre-arbitre. Par exemple, nos quatre centres pédagogiques sont à proximité immédiate de cimetières militaires allemands. Dans celui de Niederbronn-les-Bains en Grand-Est, il y a la tombe d’un soldat ukrainien qui a combattu volontairement en tant que SS pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est une donnée historique méconnue qui a concerné 200 000 Ukrainiens. Vladimir Poutine fonde le ressort de sa rhétorique là-dessus quand il dit vouloir « dénazifier l’Ukraine ». En parler avec les jeunes que nous accueillons au Volksbund, cela permet d’analyser les effets qu’une instrumentalisation de l’histoire à des fins impérialistes produit aujourd’hui dans une société de l’information.