Decazeville : le théâtre au secours d’une région sinistrée
Dans cette ancienne ville minière de l’Aveyron, marquée par le déclin industriel, des animations culturelles offrent aux enfants et aux familles un souffle nouveau. Soutenues par la Drac d’Occitanie, ces actions visent à revitaliser le territoire et à réduire les inégalités d’accès à la culture.

Il existe des bouts de France qui nécessitent, peut-être plus encore que les autres, d’être animés, vivifiés, pour ne pas dire réanimés. C’est le cas à Decazeville, dans l’Aveyron, ancien bassin houiller et sidérurgique. Depuis la fermeture des mines, la ville a perdu les deux tiers de sa population. Le taux de chômage atteint 22 % et la commune a connu un nouveau coup dur, fin 2021, avec la liquidation de la Société aveyronnaise de métallurgie (Sam), dernier fleuron industriel local, qui employait plus de 300 personnes.
Chômage, pauvreté, marasme économique… Le bassin de Decazeville coche toutes les cases des « Zones de revitalisation rurale ». En 2021, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Occitanie a invité l’association Les Francas à réfléchir à un projet pour développer l’éducation artistique et culturelle auprès des enfants du territoire. « Il existe bien une offre culturelle sur place mais elle n’est pas forcément accessible à tous les enfants », explique David Tressières, de l’association d’éducation populaire. « On a fait appel à une compagnie de théâtre, pas seulement pour proposer des spectacles, mais pour monter un vrai projet de découverte artistique, avec des ateliers, des rencontres avec les comédiens, ainsi que des formations pour les animateurs afin qu’ils puissent porter ce genre de projets sur le plus long terme. »
Des activités culturelles gratuites
« Nous voulions ouvrir sur une offre culturelle différente et travailler l’accès pour les publics dits “empêchés”, en permettant la participation du plus grand nombre », souligne Sébastien Blanchet, conseiller action culturelle et territoire à la Drac, qui précise que cette action a pu être financée dans le cadre du Plan pauvreté.
Au mois de décembre 2021, plus de 200 enfants ont ainsi participé à des activités culturelles gratuites, avec le centre de loisirs, l’école ou la famille. En tête d’affiche, Pierrot Corpel et sa Compagnie A ont fait découvrir leurs métiers grâce à des séances d’expression théâtrale et plusieurs représentations devant les enfants de la pièce de Molière, Les Précieuses ridicules. « C’est une pièce qu’on joue souvent avec le jeune public car elle est assez facile d’accès, drôle et gestuelle », précise le metteur en scène.
Usines fermées et scènes ouvertes
« Après la représentation, les comédiens s’assoient sur le bord de la scène », poursuit Pierrot. « On répond aux questions, on parle de la pièce, du théâtre, du métier de comédien, de l’aventure collective de la compagnie. On touche au rêve, à la magie mais en cherchant à les rendre accessibles, à donner envie de se plonger dans cet univers. »
Pour les enfants, c’est aussi une expérience heureuse au milieu du tumulte de l’actualité. « Quand on est intervenu, poursuit Pierrot, on était en plein mouvement social avec la fermeture de la Sam. Certains enfants avaient leurs deux parents qui travaillaient là-bas. Ces spectacles étaient aussi l’occasion de les emmener vers un ailleurs, une sortie, mettre de la culture dans un territoire, entre guillemets, oublié. Quand des tout-petits rient pendant près de deux heures ou quand on voit certains revenir quelques jours plus tard avec leurs parents, on se dit qu’on a gagné. »