Béatrice Barbusse, ex-handballeuse et sociologue : « La plupart des messages dans le sport sont stéréotypés »
Ex-handballeuse, Béatrice Barbusse est enseignante-chercheuse en sociologie à l’université Paris-Est Créteil et vice-présidente déléguée de la Fédération française de handball. Elle publie, en 2022, le livre Du sexisme dans le sport (éditions Anamosa). S’appuyant sur son propre vécu, elle y analyse l’ancrage de cette disrimination dans le sport. Pour Pop’Éduc, elle propose des pistes pour enrayer le sexisme dès le plus jeune âge.

Pierre de Coubertin disait que le sport était ce qui permettait à l’homme d’acquérir de la virilité. C’est aussi lui qui s’est opposé, avec d’autres, à la pratique du sport pour les femmes. Le sexisme est une idéologie culturelle fondatrice du sport, et bien qu’aujourd’hui les femmes aient le droit d’y participer, elles n’ont pas pour autant une place équivalente à celle des hommes, tant numériquement qu’au niveau des fonctions et des activités qu’elles assument.
Et si on se demandait si les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 pouvaient changer la donne ? Béatrice Barbusse balaye l’hypothèse : « Si on regarde la composition du comité d’organisation des JOP, les postes les plus élevés sont occupés par des hommes. Au sein des fédérations, d’après les enquêtes réalisées, moins d’un quart des présidents sont des femmes ». Béatrice ajoute : « Nous participons à la reproduction du sexisme dans la société, car la plupart des messages dans le sport sont stéréotypés ».
Prendre le problème « à la racine »
« Quand elles témoignent, de nombreuses sportives disent que leurs parents ont été les premiers à s’opposer à la pratique d’un sport, surtout pour celles qui font un sport dit masculin ». Les parents, prescripteurs pour reproduire les stéréotypes ? Oui, mais pas que. Pour Béatrice, le problème est à prendre à la racine, dès la maternelle. C’est là que les inégalités se reproduisent, car l’éducation est inégalitaire. Les parents doivent être sensibilisés, mais les professionnels de l’éducation aussi.
Pour l’autrice, cela passe par de la formation, mais elle nuance : « Un jour ne sert à rien, il faut des cursus longs, apprendre ce qu’est une norme, décrypter les stéréotypes à travers de la sociologie ou de l’histoire ». Pour elle, l’accent doit être mis sur les spécificités physiologiques des femmes (endométriose, règles, grossesse…), qui pèsent actuellement sur les sportives dans le traitement sexiste qu’elles subissent.
Autre public à sensibiliser : les enfants. C’est tout au long de l’année que la pédagogie se fait : à l’école, dans les activités physiques et sportives, à la maison, via des interventions, ateliers et projets sur l’égalité. « C’est aussi faire attention à donner le même espace physique dans la cour de récré, mais aussi le même temps de parole en classe, pratiquer des activités sportives en mixité le plus souvent possible en prenant soin que les garçons respectent les filles », détaille-t-elle.
Le sport comme levier éducatif
Si le chemin est encore long, le sport reste néanmoins un moyen d’émancipation pour les filles. Il leur permet de s’approprier leur corps, leur montrer qu’elles ont le droit de bouger, de courir, de se défendre : « On les éduque à prendre peu d’espace, à croiser les jambes, à faire le moins de bruit possible, or le sport prône tout l’inverse. Il faut savoir crier pour avoir la balle, prendre de la place sur le terrain, mouvoir son corps », développe Béatrice.
Elle ajoute que la féminisation des mots employés, mais également la présence – trop minoritaire – d’éducatrices et leur encadrement auprès des filles est crucial : pour l’identification d’abord, mais aussi l’écoute, la zone de confort créée et la réassurance dont elles ont besoin.
Parallèlement, l’autrice insiste sur le fait d’éduquer les garçons au droit à pleurer, à avoir mal et à le dire, des traits considérés comme féminins et refoulés par les garçons. « C’est ce qu’on appelle l’éducation physique et sportive, de l’éducation par l’entrée qui est le corps afin de travailler le vivre-ensemble, le respect de l’autre et de la diversité », conclut-elle.