Menaces climatiques : réduire les inégalités sanitaires, une utopie ?
Les événements climatiques extrêmes augmentent partout mais ne seront pas subis de la même façon selon les zones géographiques. Face aux inégalités sanitaires qu’ils engendrent, comment assurer des conditions de vie équitables ?

Des inégalités aux origines multifactorielles
« Toutes les parties du monde subissent des impacts climatiques, mais pour un même type d’impact, ses conséquences dépendent du niveau de richesse et de la capacité d’adaptation des populations », précise Elise Naccarato, experte des conséquences sociales du changement climatique.
Elle souligne que le changement climatique ne peut être tenu seul responsable des crises : « Par exemple, la famine actuelle en Éthiopie est liée à la sécheresse, mais aussi à la structure sociale. Les famines sont souvent évitables. Des sécheresses similaires liées au réchauffement climatique existent dans le Sud de l’Espagne, sans provoquer de famine, grâce aux ressources économiques qu’ont les pays aisés » explique la Responsable de campagne Climat chez Oxfam France. En cause, le système de surproduction et de surconsommation des pays riches qui menace les neuf limites planétaires.
De ce fait, les pays développés doivent compenser leur dette climatique en finançant des projets environnementaux dans les pays en développement, volet majeur de la COP29 de novembre dernier. Une solution pourrait être de faire payer les entreprises privées, grandes émettrices de CO2, selon le principe du pollueur-payeur, pour instaurer une équité internationale. La clé pour limiter les impacts des catastrophes climatiques réside donc dans la réduction de la vulnérabilité, mais cela passe aussi par une volonté politique.
Le poids stratégique des politiques publiques
Certains pays, dotés de pouvoirs publics forts, peuvent mieux affronter ces crises. D’autres, où les entreprises dominent, comme dans les pays anglo-saxons ou en Amérique du Sud, ont plus de difficultés.
L’experte insiste sur l’importance d’investir, de changer les comportements et de repenser les infrastructures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais elle déplore que « les décideurs, avec une vision à court terme, hésitent à agir car les effets des politiques écologiques ne seront visibles que dans plusieurs décennies, et ce ne sont pas les politiques actuelles qui en retireront le bénéfice ».
Que ce soit au niveau régional, national ou international, lorsque les politiques publiques ne compensent pas les inégalités, la responsabilité et le coût économique et social de l’adaptation reposent sur les individus, ce qui accroît ces inégalités.
Dès lors, la protection sociale est indispensable pour faire face au défi de la transition écologique. « En 2003 lors des vagues de chaleur, la surmortalité en Seine-Saint-Denis était de 160% car c’est un désert médical. Ces inégalités sociales se cumulent avec des écarts d’impact : entre ville et campagne, l’écart de température peut atteindre huit degrés, modifiant drastiquement les effets des vagues de chaleur » image la Responsable Climat.
Le rapport Oxfam sur l’impact de la non-adaptation au changement climatique sur les droits humains en France révèle que 26 droits fondamentaux sur 50 sont soit menacés soit déjà mis en péril. Quant à l’éducation, en France métropolitaine, 1 600 000 enfants de maternelle sont confrontés à des températures de plus de 35 degrés dans les classes durant la période scolaire. A ce stade, il y a des pertes de capacités cognitives, donc des pertes de chance d’apprentissage, mais aussi des ruptures d’égalité. « Des solutions d’ordre technique, social et sociétal sont à imaginer. Ce sont des choix à arbitrer, avec parfois un coût financier moindre mais à la refonte sociétale profonde, afin d’assurer une planète plus équitable » conclut Elise Naccarato.