Quels sont les défis d’une France plurielle à l’heure des migrations de masse ?
Les migrants sont en majeure partie des gens en situation de précarité qui s’installent dans un pays où ils espèrent trouver une sécurité. Si on les maintient dans un contexte précaire, ils ne peuvent pas s’adapter. Pendant les « Trente Glorieuses », nous avions un tel sentiment de supériorité sur le reste du monde qu’on entendait bien le faire perdurer. On a pris un retard fantastique dans l’interculturalité. Mais il n’est jamais trop tard pour bénéficier des avantages de cette situation, plutôt que de souffrir des inconvénients. Arrêtons de nous focaliser sur les faiblesses, concentrons-nous sur les compétences. Il faut permettre à chaque enfant de révéler dans quel domaine il excelle. Dans une équipe multiculturelle, avec des gens n’ayant pas fait les mêmes études, éventuellement ne parlant pas la même langue, personne ne se repose sur les non-dits, les implicites culturels. On est obligé d’expliquer toutes les phases de son raisonnement et cela provoque une créativité extraordinaire. Avec les enfants, cela peut passer par le jeu, pour les amener à expliciter, par exemple, pourquoi dans leurs familles on fait comme ceci, plutôt que comme cela.
Dans un contexte éducatif, comment passer outre les stéréotypes et les préjugés culturels ?
Les discours ne marchent pas mais l’émotion, oui. Pour casser les stéréotypes, j’ai souvent utilisé des jeux de simulation, comme le Bafa-Bafa. Chacun doit se mettre dans le contexte de l’autre pour s’apercevoir que, dans cette situation, il fera comme l’autre. À la fin, on remet tout le monde ensemble et on échange, on explicite. On entend des choses comme « l’autre n’est pas ce que je croyais ». Avec les plus jeunes, on peut aussi travailler, par exemple, autour de l’histoire des lettres de l’alphabet. On peut raconter aux enfants vingt-six petites histoires poétiques et graphiques à travers lesquelles ils découvrent que tous les alphabets du monde sont cousins. Et ils en tirent eux-mêmes une conclusion très simple : si tous les alphabets du monde sont cousins, alors tous les hommes sont cousins.