L’Unesco souligne depuis 1989, lors du Congrès international à Yamoussoukro en Côte-d’Ivoire, que « la paix est plus que la fin des conflits armés ». C’est à la fois une situation de non-guerre – que celle-ci soit entre deux ou plusieurs pays ou à l’interne d’un même pays – et une situation de concorde civile et sociale. Même si ce terme de « concorde » peut apparaître daté, il définit une situation qui existe entre des personnes ayant une même disposition de cœur, d’esprit, et vivant en harmonie, éventuellement en collaborant à une œuvre commune. Même si l’éducation ne peut pas tout, construire la paix et plus largement la concorde entre les humains passe par l’éducation, et notamment l’éducation à la culture de paix.
La culture de paix
En 1998, l’ONU a défini la culture de paix comme « un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et des états ». Dans sa suite, l’UNESCO a dessiné les contours de ce que doit être une éducation à la culture de paix. Elle consiste à « promouvoir les connaissances, les valeurs, les attitudes et les compétences nécessaires pour susciter des changements de comportement qui vont permettre aux enfants, aux jeunes et aux adultes de prévenir les conflits et les résoudre de manière pacifique, de prévenir la violence, qu’elle soit explicite ou structurelle, et de créer les conditions qui mènent à la paix – pour soi, entre personnes, entre groupes, ou au niveau national ou international. ». Vaste programme ! Auquel chaque éducateur et éducatrice est déjà sensible car, dès 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant préconisait dans son article 29 l’éducation à la culture de paix en précisant que « les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à (…) préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone ».
La pédagogie de la paix
Même si ces ambitions peuvent apparaître inatteignables, la paix se bâtit ici et maintenant, dans chaque espace éducatif, par des animateurs, des enseignants conscients de leur rôle en la matière. La paix se bâtit d’abord en considérant qu’il n’y a qu’un seul nous et non un « nous » et un « eux ». Elle se bâtit sur ce qui nous est commun, en premier lieu notre humanité, en considérant qu’avant d’avoir des convictions, des couleurs de peau, des orientations sexuelles différentes, nous sommes avant tout des humains dont le bien le plus précieux est la vie, et tout particulièrement celle de l’autre. Cette prise de conscience que l’humanité est ce qui nous rassemble et qu’elle est supérieure à toutes les divergences qui nous opposent se bâtit ensemble au quotidien, avec les enfants et les adolescents.
Pour ce faire, dans le projet pédagogique, les équipes éducatives peuvent travailler sur trois axes : la construction des relations sociales conviviales, la prévention et l’apaisement des situations de conflits et la démocratie en actes. La construction de relations sociales conviviales est à la base de tout projet d’espace éducatif. Elle passe par l’accueil de tous et toutes, l’information, la pratique d’activités collectives dont le jeu est central ou le partage de temps de vie quotidienne comme le repas ou la nuit au centre. En fait, la question est surtout : comment éviter que toutes les relations sociales conviviales que nous nous appliquons à construire se dégradent ? À cette question, la réponse est en fait évidente et souvent éludée : évitons de recourir à des activités dont la nature même est violente ou un simulacre de guerre, bannissons les jouets et les jeux guerriers et violents, soyons attentifs aux films que nous donnons à voir aux enfants. Il est souvent opposé à ces propositions que l’enfant y a accès ailleurs. Sans doute ! Cependant l’éducation est faite de multiples influences, alors abstenons-nous d’en surajouter.